Parfois il est difficile de mettre en couleur certains dessins. Notamment en character design où il arrive que le dessin au trait nous inspire plus qu’une mise en couleur. On préfère alors laisser notre personnage comme ça et passez au dessin suivant, mais on aimerait tout de même lui donner vie et le pousser jusqu’au bout.
Si vous avez déjà ressenti cette sensation alors aujourd’hui, pour y remédier, je vous propose une méthode extrêmement efficace pour donner du volume à vos personnages, et les mettre en couleur.
Voici un croquis de l’homme aigle réalisé par Sébastient Micaelli, que nous allons mettre en couleur pas à pas. Je le remercie d’avoir accepté cette collaboration et d’avoir fourni un croquis aussi agréable à mettre en couleur.
Le but de cet article n’est pas de vous expliquer comment fonctionne la couleur en elle-même, mais de mettre en avant un des procédés de mise en couleur qui fonctionnera à tous les coups. Ce n’est pas une méthode universelle, mais plutôt une méthode courante dans le milieu que tout concept artiste, ou digital painter devrait connaitre.
-Pourquoi utiliser cette méthode?
Cette méthode que j’appelle la méthode ALCO. ALCO pour : Aplat-Lumière-Couleur-Occlusion
Le principe de ce procédé est de réaliser comme pour le rendu d’un personnage en 3D, différentes couches qui en s’additionnant donneront un résultat final qui fonctionne. Mais il va de soit que plus vous saurez gérer les différentes étapes, plus le résultat final sera réussi.
L’idée est d’apporter à la fois de la couleur, mais aussi de la volumétrie au dessin en travaillant sur ces quatre éléments. L’aplat comme support, la lumière pour donner du volume, la couleur pour apporter des matières et l’occlusion pour accentuer la profondeur. Ces différentes couches, en s’additionnant de la bonne manière, formeront votre dessin final pour un résultat agréable à regarder.
(Voici l’exemple d’un cube en 3D avec une superposition d’éléments qui une fois additionnée donne un cube en béton plutôt réaliste. La hauteur correspond à l’occlusion, la texture de base correspond à la matière… L’idée c’est de penser la colorisation de personnage de la même manière.)
-La marche à suivre:
L’ordre n’a pas beaucoup d’importance avec cette méthode, seul le résultat final fera la différence. Dans un souci de compréhension, l’explication sera organisée en fonction de la vidéo.
1-Aplat
Dans un premier temps, il a fallu définir le contour de notre image à l’aide d’aplat. Deux types d’aplats ont été réalisés :
– Un contour de chaque élément en couleur, composant notre personnage : La tête, les vêtements, la peau, le bec… À vous de le définir en fonction du personnage que vous dessinez. Dans un souci d’efficacité, il est impératif de séparer les différentes matières. Cependant, à vous de trouver le juste milieu entre le gain de temps et le trop-plein d’aplat à gérer.
–Un contour général du personnage en blanc qui nous aide comme sélection afin d’éviter de déborder comme pour un pochoir dans lequel on viendra peindre au pinceau.
Ces deux contours en aplat servent à la fois de moyen rapide pour effectuer une sélection propre, mais aussi de base de couleur correspondant à la texture qui vous intéresse. Bien entendu, pour le second type de contour, il est judicieux d’utiliser les bonnes valeurs pour chaque texture. Une texture de peau sera moins claire qu’une texture de plume, mais plus claire que du cuir.
Voici trois palettes de couleurs avec des valeurs moyennes différentes qui dépendent des matières utilisées. Le cuir possède la valeur moyenne la plus foncée des trois, alors que la plume possède la valeur moyenne la plus claire. N'oubliez pas de prendre cela en considération dans votre choix de couleur et d'aplat.
Remarque: les variations de lumières sur chaque objet se feront par la suite à l’aide d’ombre et de lumière, alors il faudra utiliser la valeur moyenne de votre matière pour constituer vos aplats.
2-Occlusion
La seconde étape est un travail d’occlusion. Pour mieux comprendre, vous pouvez regarder cette vidéo (c’est par ici), qui vous explique le fonctionnement et l’importance de l’occlusion ambiante dans la réalisation d’un rendu 3D.
C’est un procédé de calcul qui permet notamment dans le monde des jeux vidéo et de la 3D en général, de gérer les lumières globales environnantes sur chaque élément en trois dimensions.
Le travail d’occlusion sur votre dessin vous permettra d’apport un plus et d’accentuer la profondeur de votre image. Ce n’est pas un travail classique d’ombre qui dépendrait uniquement de la direction d’une unique source lumineuse, mais plutôt un travail d’ombre qui dépend d’une illumination global de la scène.
Voici deux rendu 3D pour vous montrer la différence:
1-Sans occlusion ambiante Cette première image sans occlusion ambiante montre un travail d’ombre et de lumière qui dépend d’une source lumineuse directe située à gauche de l’image (le soleil).
2-Avec occlusion ambiante Dans la seconde image l’occlusion ambiante qui à été exagérée, s’additionne au travail d’ombre et de lumière pour augmenter l’impression de volume et donc la profondeur de chaque élément. Cette occlusion laisse une ombre qui elle n’est pas dépendante uniquement de notre source lumineuse directe (le soleil), mais plutôt de la luminosité globale de la scène (lumière renvoyé par le ciel, du soleil lui-même, des lumières renvoyées par le sol, les murs…)
L’occlusion ambiante est donc perceptible par l’apparition d’une ombre dans les coins, les creux, les jointures, les bosses…
Sur notre homme aigle, le travail d’occlusion constitue la plus grosse partie du boulot. Plus ce travail sera mené avec finesse, plus votre image finale sera susceptible de bien représenter la réalité des volumes. Dans un dessin stylisé comme les mangas, ou parfois les BD, le travail d’occlusion ne sera pas nécessaire. Seul le travail d’ombre vous permettra de gérer vos volumes. L’occlusion se rapproche d’avantage d’un dessin réaliste, que d’une image stylisée.
Sur notre homme aigle les zones où l’occlusion est la plus franche correspondent aux creux les plus marqués comme les plis des vêtements, l’intérieur de la sacoche ; ce sont les zones ou la lumière n’arrive pas à pénétrer.
À l’inverse les muscles très visibles auront des ombres douces et qui s’estompent.
3-Couleur
Avec cette méthode, la couleur est déjà gérée par les aplats faits au début. C’est un avantage considérable non seulement pour les sélections, mais aussi comme base de couleur.
Pour mieux gérer les couleurs, l’usage d’une palette de couleur est essentiel. Cette palette peut être faite soit par l’usage de références photo comme dans notre vidéo, soit en vous constituant vos palettes de couleurs personnelles.
L’important est de raisonner par matière. Vous pouvez par exemple avoir une gamme complète de couleur pour les textures de peaux, allant de la peau la plus claire jusqu’à la peau la plus foncée. Il ne faut pas hésiter à réutiliser encore et encore des couleurs qui fonctionnent. En faisant ce travail en amont, vous vous donnerez l’opportunité de forger votre propre style de mise en couleur. Et je vous le conseil fortement.
Variez les valeurs en essayant d’aller du plus clair au plus foncé. Il est préférable de synthétiser tout en apportant une gamme de couleur assez variée, sans pour autant vous retrouver avec six mille couleurs à gérer.
Enfin, n’oubliez pas que chaque couleur apparaitra différemment avec une ambiance lumineuse colorée. La couleur d’origine de la peau sera forcément modifiée si la couleur de la lumière est plutôt neutre, chaude ou froide.
Retenez qu’une ombre n’est pas systématiquement noire et qu’une lumière n’est pas forcément blanche. La gestion de la couleur est vraiment essentielle pour un artiste et nous aurons l’occasion sur dciner.fr, d’en reparler dans un article à part entière.
4-Lumière
Enfin, pour la dernière étape vous réaliserez grâce aux aplats préalablement définis, la mise en lumière de votre dessin. Le tout est de choisir la direction de la lumière, et donc le positionnement de vos ombres, sa teinte et son intensité.
Dans le cas de l’homme aigle j’ai choisi deux sources de lumière pour accentuer les volumes. Cette pratique est courante en photographie de modèle et en charactère design.
On peut aussi utiliser deux sources de lumière aux teintes contrastées, c’est-à-dire avec une lumière froide d’un côté et une lumière chaude de l’autre.
Le positionnement de la lumière déterminera vos volumes. Il ne faut surtout pas négliger cette étape.
Voici le résultat final.
-Maintenant, à vous de passer à l’action!
Ça y est, cet article est terminé. À votre tour maintenant d’essayer la méthode ALCO pour mettre en volume et coloriser vos personnages ou vos véhicules. Car oui, cette méthode fonctionne aussi pour le design de véhicule.
N’hésitez pas à m’envoyer vos dessins à greg@dciner.fr pour me montrer comment vous aussi, vous avez réussi à mettre en pratique cette méthode.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me les poser dans les commentaires justes en dessous, je me ferais un plaisir d’y répondre.